Une nouvelle maison pour Soanjonoro
L’Androy est l’une des régions les plus pauvres de Madagascar. Lorsque le phénomène climatique El Nino atteint ses côtes en 2015, il a cessé de pleuvoir. Soanjonoro et près de 850 000 personnes se sont retrouvées piégées dans un cercle d’insécurité alimentaire. Là où le climat est roi, les habitants doivent apprendre à surmonter les crises et à sortir de l’extrême pauvreté.
ll y a quelques mois, la famille de Soanjonoro Masy Velo dormait encore à même le sol dans une petite case insalubre d’environ deux mètres carrés. La jeune femme de 26 ans, son mari et leurs 3 enfants vivent à Erada Sandrisandry, un petit village de la commune d’Erada, situé dans la région Androy, l’une des plus pauvres de Madagascar (le taux de pauvreté estimé à 96,7% selon le Rapport National sur le Développement Humain publié ce mois avec l’appui du PNUD). A Erada Sandrisandry, comme dans toute la région, la précarité a fortement augmenté depuis quelques années.
Soanjonoro s’occupe principalement des travaux champêtres et de la vente des produits de pêche ramenés par son mari.
Mais depuis septembre 2015, alors que la sècheresse prolongée déclenchée par le phénomène El Niño a plongé toute la région Androy dans une situation d’insécurité alimentaire, les conditions de vie de la famille se sont vite dégradées. Les points d’eau se sont asséchés, l’agriculture paralysée, les denrées alimentaires se faisaient rares avec une hausse des prix, la malnutrition des enfants a atteint son paroxysme, et le mauvais état de la route réduisait les possibilités commerciales avec les villes voisines qui subissaient le même sort. Pendant près de 2 ans, Soanjonoro, ses enfants, ainsi que des centaines de milliers de personnes de la région, ont été classées en situation d’urgence et de crise engendrée par le manque d’eau. Beaucoup ont dû manger les fruits de Raketa (un cactus) afin de faire face à la faim. Mais depuis 2017, cela a changé.
Face à la crise et en complément de la réponse des acteurs humanitaires, le PNUD a soutenu la région Androy en s’attaquant aux causes structurelles de vulnérabilité ainsi qu’aux aléas récurrents. Une approche qui souhaite renforcer la résilience des populations et engendrer une meilleure transition vers le développement.
Le Plan de relèvement et de résilience des districts du Sud affectés par El Nino invite les acteurs au développement à orienter leurs interventions en fonction des priorités qui y sont mentionnées.
Le PNUD, à travers son projet « Planification du Développement du Secteur Privé et Emploi » mis en œuvre par le Ministère de l’Economie et du Plan, appuie la mise en place des activités communautaires visant à créer des opportunités de revenus aux personnes les plus vulnérables de la région. Ainsi, l’injection d’argent liquide dans l’économie locale et l’amélioration des conditions d’échange commerciaux favorise un meilleur relèvement de ceux qui en ont le plus besoin, tout en réduisant l’extrême pauvreté. L’une des activités menées pour atteindre cet objectif est la mise en œuvre les travaux de réhabilitation de la piste reliant les villes d’Ambovombe, Erada et Tsimananada, un autre village du district, selon une approche ‘argent contre travail’.
Pendant 60 jours, 5 heures de travail au quotidien, Soanjonoro a rejoint les 850 hommes et femmes issues de familles vulnérables qui réhabilitent un tronçon de 19km de la piste rurale et constitué un fonds d’épargne à investir pour améliorer leur subsistance.
« Sans les travaux de réhabilitation de piste, je n’aurai pas pu gagner l’argent pour reconstruire la maison», confie Soanjonoro.
Aujourd’hui, si sa maison est toujours construite en bois, épousant le paysage local, l’assemblage est meilleur et plus résistant, et la toiture est en tôle. La case est même dotée d’une petite fenêtre, à laquelle Soanjonoro a mis des rideaux pour cacher l’intimité de son foyer.
Un lit et un grand fût pour stocker l’eau, denrée rare dans cette partie de l’île, s’ajoutent à ce changement de décor important, synonyme d’amélioration de conditions de vie de la famille.
Pour favoriser le démarrage de petites entreprises et booster l’économie locale, les bénéficiaires des travaux perçoivent pour chaque jour travaillé une épargne équivalent à leur indemnité journalière, qui est constituée dans une institution financière locale. A la fin des travaux, l’ensemble de cette épargne est débloquée pour permettre aux bénéficiaires de développer leur propre projet.
Pour Soanjonoro, les travaux de réhabilitation de la piste lui a permis de percevoir un salaire total de 160 000 Ariary (environ 50usd), qui a assuré une partie de ses dépenses quotidiennes, comme l’achat de l’eau potable et autres produits de première nécessité. A la fin des travaux de réhabilitation, son épargne de 160 000 Ariary lui ont permis d’investir dans sa maison.
Le PNUD adopte cette même approche de développement progressif pour réduire l’extrême pauvreté. En misant sur le choix des travaux communautaires répondant à un besoin d’intérêt général, comme la réhabilitation de pistes rurales, la promotion du développement local est visée en favorisant les échanges commerciaux et le développement des chaines de valeurs. A ce jour, dans le district d’Ambovombe, 32 km de piste sont en cours de réhabilitation, bénéficiant directement à près de 2 000 ménages. Une réhabilitation de barrage d’irrigation est également en cours dans la commune d’Andalatanosy, bénéficiant directement à 820 personnes. D’autres projets de réhabilitation d’infrastructures communautaires sont en cours et prévus dans le cadre de la mise en œuvre du Plan de relèvement et de résilience des districts de l’Androy afin de réduire la vulnérabilité des populations face aux prochaines sècheresses.
Texte : Mihaja Georgine Razafisoazara